Castaner, Véran, Le Maire ou Ferrand peuvent-ils librement faire campagne pour Emmanuel Macron?

Tout ministre ou parlementaire peut prendre part à la campagne électorale du président sortant. La loi limite néanmoins les «mélanges des genres», surtout lorsqu’il est question d’argent public.

 

Vous vous étonnez de voir différents membres du gouvernement et du Parlement défendre le programme du président-candidat Emmanuel Macron, et vanter le bilan du quinquennat qui s’achève. Les passages médias se sont enchaînés la semaine dernière : le président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, Christophe Castaner, le lundi matin sur BFM TV, puis le soir le Premier ministre, Jean Castex, au 20 Heures de TF1, suivis du président de l’Assemblée, Richard Ferrand – qui préside par ailleurs le comité de soutien à Emmanuel Macron – mardi au micro de France Inter. Sans compter les meetings réunissant des figures de la «macronie» : celui qui a rassemblé à Nice, mercredi soir, Christophe Castaner, les ministres de la Culture, Roselyne Bachelot, et de la Santé, Olivier Véran, entre autres ; mais aussi celui qui s’est tenu samedi dans l’Eure et où se sont rendus le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, celui des Outre-Mer, Sébastien Lecornu, et celui de l’Agriculture, Julien Denormandie.

 

Face à ce flot de prises de parole en soutien à Emmanuel Macron, vous nous demandez à quelles règles sont astreints tous ces élus et ministres. Et notamment s’ils peuvent recourir aux moyens matériels et financiers qui leur sont dévolus au titre de leur mandat, pour prendre part à la campagne du président sortant.

Parole officielle et propagande électorale

Comme nous l’expliquions dans un précédent article sur le cas particulier de Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, rien ne s’oppose dans la loi à ce que des membres du gouvernement s’impliquent, en tant que personnalités politiques, dans la campagne électorale du Président si celui-ci est candidat. Néanmoins, un cadre a été fixé pour éviter tout «mélange des genres» entre leur statut de ministre et celui de soutien du président sortant. Les mêmes règles et principes s’appliquent aux parlementaires, et donc par exemple au président de l’Assemblée Richard Ferrand, explique à CheckNews l’avocat Jean-Christophe Ménard, spécialiste du droit électoral.

Dans le détail, deux articles du code électoral peuvent s’appliquer. Le premier, l’article L. 52-1, leur interdit de s’exprimer «à des fins de propagande électorale» lorsqu’ils s’expriment officiellement en tant que membre du gouvernement ou du Parlement. Ainsi, en intervenant lors de meetings, réunions de campagne, ou même dans les médias, au titre de leur soutien au candidat Macron, ils n’entretiennent «aucune confusion dans l’esprit des électeurs», juge Jean-Christophe Ménard. En revanche, estime l’avocat, si l’un d’eux «venait à être interrogé sur le programme électoral du candidat» lors d’une intervention assurée en sa qualité d’élu ou de ministre – par exemple une visite officielle, la présentation des résultats d’un rapport ou d’une enquête –, «la prudence exigerait alors qu’il s’abstienne de répondre».

Ces «mélanges des genres» sont difficiles à caractériser, et donc à sanctionner. Une autorité veille tout de même à les limiter : la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle (CNCCEP) «pourrait intervenir afin de demander à l’équipe de campagne d’éviter à l’avenir toute confusion, indique Jean-Christophe Ménard. Elle l’a d’ailleurs fait le 11 mars dernier au sujet de la communication des candidats sur les réseaux sociaux».

Indemnités d’élu et frais de communication

Quant à l’article L. 52-8 du code électoral, il prévoit que la campagne du président sortant ne puisse aucunement être financée avec de l’argent public, ce qui reviendrait à la faire financer par le contribuable. Si un député ou sénateur prend part à cette campagne, c’est donc «à la condition qu’il n’utilise pas ses indemnités ou les avantages mis à disposition dans le cadre de son mandat par les assemblées parlementaires pour financer ses actions de communication au profit du candidat», précise Jean-Christophe Ménard. Conséquence : «Si les frais exposés (impression de tracts, déplacements, etc.) ont été engagés avec l’accord de l’équipe de campagne, ils devront être réglés par le candidat ou la candidate et être déclarés dans le compte de campagne», ajoute le spécialiste du droit électoral. Une règle qui «ne vaut pas que pour Emmanuel Macron», mais «concerne tous les autres candidat et candidates qui bénéficient du soutien de parlementaires ou d’élus».

Là encore, une autorité peut intervenir : la Commission des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).Si celle-ci, après le scrutin, estime «que des dépenses de communication présentant un caractère électoral ont été prises en charge par l’Etat, elle réintégrera les montants en question dans le compte de campagne du candidat», indique Jean-Christophe Ménard. Qui cite pour référence la présidentielle de 2012, à l’issue de laquelle «la CNCCFP avait réintégré dans le compte de campagne de Nicolas Sarkozy le coût de plusieurs réunions électorales organisées par Henri Guaino, alors conseiller spécial du président de la République».

Période de réserve depuis le 18 mars

Avec l’ouverture le 18 mars de la période dite «de réserve», la distinction imposée entre les frais engagés en tant que ministres ou en tant que soutien du candidat s’est encore renforcée. S’agissant de ce scrutin, une circulaire a été adressée par le secrétariat général du gouvernement aux ministres et leurs cabinets, le 10 février. Consultée par CheckNews, elle les invite à «séparer du mieux qu’il est possible l’action de membre du gouvernement des prises de position qu’il peut avoir en tant que responsable politique». Ainsi, lorsque les membres de l’exécutif prévoient de «participer à des meetings ou soutenir des candidats»«ces déplacements doivent être programmés de telle sorte qu’il ne puisse pas y avoir de confusion avec leurs activités gouvernementales».

Ne s’appliquant qu’aux membres du gouvernement, la période de réserve reste par ailleurs «un usage, une recommandation», souligne Jean-Christophe Ménard.

 

d’aprés Liberation

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