A l’opposé de la Constitution, le référentiel universaliste, et plus particulièrement la CEDAW- à laquelle le Maroc est partie-, est quasi-absent du rapport, alors que la spécificité religieuse et culturelle est évoquée et convoquée à maintes reprises pour justifier l’anachronisme des mesures dédiées au «renforcement» des droits et libertés des femmes. La spécificité religieuse ne s’invite-t-elle dans les débats politiques que dès lors qu’il s’agit exclusivement des droits des femmes? Les autres secteurs de la vie économique et sociale sont-ils conformes aux préceptes religieux? N’ont-ils pas plongé depuis longtemps dans l’indistinction religieuse?
« Un rapport marqué par un tropisme masculin »
Alors que l’appel à l’inclusion, à la citoyenneté et à une tolérance zéro à la discrimination et aux violences traverse le document:
- La mesure phare proposée par le rapport visant à porter le taux d’activité des femmes de 18% actuellement à 45% à l’horizon de 2035 passe sous silence les mécanismes complexes d’exclusion et de résistance à l’œuvre qui font que le Maroc, qui était champion de la région en matière de participation économique des femmes, se retrouve en 2020, selon le Forum économique mondial, au 148e rang bien après l’Egypte, la Tunisie ou encore l’Algérie.
- Le rapport ne dit rien sur les moyens de lutter contre la pauvreté des femmes rurales travaillant, dans leur écrasante majorité, sans rémunération ni accès aux filets de sécurité sociale à titre de droits propres, ni à la terre ni aux moyens de production, au moment où la législation successorale, celle relative aux terres collectives et au Habous de famille les discriminent quand elles ne les excluent pas tout simplement de leurs droits. Que préconise le rapport pour ces centaines de milliers de Marocaines parmi les plus pauvres?
- Il passe sous silence les différentes formes de discrimination de genre en matière successorale, le maintien du mariage des mineures et de la polygamie alors que l’écrasante majorité des femmes, tous niveaux éducatifs et sociaux confondus, considèrent que ces dispositions constituent une grande source d’insécurité pour elles et pour leurs enfants et portent atteinte à leur dignité et citoyenneté.
- Le rapport propose de confier au juge la possibilité d’examiner au cas par cas, l’autorisation ou non du taasib? N’est-ce pas là une préconisation, pour le moins incongrue, qui prévoit des règles différentes pour les citoyennes selon leurs capacités à ester en justice, contribue à engorger les tribunaux de famille, ouvre la porte aux dérives et à la corruption et exacerbe les conflits familiaux?
- Alors que l’on s’attendait à des solutions plus courageuses en conformité avec l’égalité et la justice:
- Les mesures préconisées sont marquées du sceau de l’anachronisme et largement en deçà de celles avancées, durant les dernières années, par plusieurs institutions constitutionnelles comme le CNDH, le CESE ou encore la Haca.
- De nombreuses zones grises persistent dans le rapport qui se contente, pour ce qui concerne les droits des femmes, de proposer des mesures ayant fait leur temps.
- es vrais problèmes politiques et sociétaux sont tus et non abordés faisant de telle sorte que les Marocaines et les Marocains finissent par perdre confiance car ils constatent que leur citoyenneté fait, encore une fois, l’objet de compromis et
compromissions. - Une vision globale cohérente et prospective d’un nouveau modèle de développement ne devrait pas maintenir des zones grises. Elle se doit de se doter du courage et de la responsabilité de nommer les choses telles qu’elles sont et de proposer des solutions structurantes et audacieuses aux multiples injustices et inégalités en conformité avec les directives royales à l’occasion de l’installation de la Commission en charge d’élaborer le NMD.
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