La journée internationale des droits des femmes est commémorée cette année dans un contexte de crise engendrée par la pandémie COVID 19 qui perdure depuis plus d’un an. Cette pandémie a encore approfondi le fossé entre des pays capables de garantir les conditions d’une vie décente à leurs citoyens et citoyennes et d’autres qui ne sont toujours pas en mesure de le faire. Au Maroc, cette crise a réaffirmé le gap existant entre les hommes et les femmes en termes de jouissance et d’accès aux ressources, aux services publics, à la sécurité et à la protection.
L’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), profite de cette occasion de bilan pour mettre en lumière les données statistiques et indicateurs nationaux émanant de différentes parties et institutions, qui s’accordent à confirmer la situation préoccupante de la condition des femmes marocaines en matière d’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi, à la justice, à la protection sociale et à l’accès aux postes de décision aussi bien au niveau politique que professionnel.
La crise sanitaire a notablement renforcé les inégalités entre les sexes dans notre pays. Elle a mis à nu les insuffisances des réformes entreprises en termes d’inclusivité et d’intégration des droits des femmes dans les lois et les politiques publiques et révélé les défaillances structurelles des mécanismes de coordination, recours et protection des femmes victimes de violence.
En effet, durant cette année de crise sanitaire,la vulnérabilité des marocaines s’est accentuée et mise en évidence dans tous les domaines :
– Le taux d’activité féminine qui a drastiquement chuté en l’espace de deux décennies, en passant de 30, 4 % en 1999 à 19,9% actuellement, s’est vu davantage décroitre en raison de la crise sanitaire et de son impact immuable sur l’économie. En effet, les travailleuses, principalement celles du secteur informel, qui vivent de revenus journaliers, se sont retrouvées sans salaire et sans protection sociale et ont augmenté le nombre de femmes vivant dans la précarité et la vulnérabilité.
– La violence faite aux femmes et aux filles a augmenté substantiellement . Un grand nombre de femmes se sont retrouvées sans protection ni structure de prise en charge , alors que la spécificité du contexte du confinement et de l’état d’urgence exigeait la mise en œuvre de mesures de prévention, de protection et d’intervention adaptées à la particularité de la situation de la crise sanitaire. Le dernier rapport du Haut-Commissaire au Plan (HCP) corrobore d’ailleurs cet état des lieux puisqu’il révèle que durant la pandémie, les femmes ont été victimes de différents types et formes de violence, avec des répercussions psychologiques résultant de l’anxiété, des troubles du sommeil, des comportements obsessionnels et de la peur.Ces élémentsconfortent le constat des ONG féministes quant à l’inefficacité et l’inefficience des dispositions de la loi 103-13 relative à la lutte contre la violence faite aux femmes.
– Le décrochage scolaire des filles s’est accru. La crise sanitaire a mis en évidence les disparités sociales, les inégalités des chances et les discriminations basées sur le genre, impactant notamment les apprenant-e-s issues de milieux défavorisés, semi-urbains, ruraux, et des zones enclavées. Ces disparités ont été plus importantes selon que les ménages soient dirigés par des hommes ou par des femmes. Elles se sont en effet accentuées chez les enfants émanant de ménages dirigés par des femmes cheffes de familles et une proportion importante de leurs enfants, n’a pas pu poursuivre les cours du fait de la précarité et du manque de moyens logistiques nécessaires à l’enseignement à distance (smartphones, recharge, connexion internet…). De plus,les filles,sont souvent reléguées aux tâches ménagères et privées d’assiduité scolaire engendrant l’accumulation d’un retard d’apprentissage qui ne sera pas sans impact sur leurs parcours et leurs réussites scolaires .
– Les femmes cheffes de ménage ont été particulièrement confrontées à une situation de vulnérabilité en raison de la perte de travail et de la pression des tâches ménagères. Elles ont eu du mal à assurer un niveau minimum de stabilité, de soins de santé et d’éducation à leurs enfants. La majorité n’ayant pas bénéficié des aides de l’État comparées à leurs concitoyens hommes, leurs situations financières ainsi que leurs conditions de vie et celles de leur famille se sont dégradées, ce qui interpelle à nouveau les politiques publiques, en l’occurrence dans le domaine de la protection sociale.
L’ADFM considère de ce fait que les femmes marocaines payent un lourd tribut du retard accusé dans l’élaboration et la mise en œuvre des mesures et mécanismes requis pour lever l’injustice et garantir la pleine citoyenneté des femmes. L’ADFM s’interroge notamment sur les raisons justifiant le retard de la mise en place de l’Autorité pour la Parité et la Lutte Contre les Discriminations (APALD), qui est pourtant un mécanisme constitutionnel prioritaire et indispensable pour lutter contre les discriminations fondées sur les sexes.
Par conséquent, l’ADFM appelle les responsables et décideurs à :
– Accélérer les réformes des lois discriminatoires en assurant leur harmonisation avec les dispositions constitutionnelles et les engagements internationaux du Maroc en matière des droits humains des femmes ;
– Elaborer de manière urgente et inclusive des politiques publiques intégrées pour l’effectivité de l’égalité entre les sexes aussi bien au niveau national que territorial ;
– Prendre conscience de l’impact déplorable de la crise sanitaire sur les femmes et tirer les leçons requises dans la reconstruction et dans l’élaboration des plans de relance de l’après COVID 19 de manière spécifique et plus globalement dans le nouveau modèle de développement ;
– Prendre en considération le point d’alerte lancé par le Conseil Economique, Social et Environnemental et mettre en œuvre les recommandations pertinentes suggérées par cette institution constitutionnelle afin de corriger la situation actuelle qui place la femme marocaine en marge du développement.
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