Présidentielle 2022 : que veulent faire Emmanuel Macron et Marine Le Pen du dernier rapport du Giec sur le climat ?
Le troisième volet du rapport du Giec, consacré aux solutions à apporter à la crise climatique, a été publié en pleine dernière ligne droite de la campagne présidentielle. Qu’en ont retiré les deux finalistes ? On a posé la question à leurs équipes.
Il faut “lire ce rapport et prendre en compte l’appel extrêmement clair à des actions immédiates et ambitieuses dans l’ensemble des secteurs.” Au lendemain de la parution du troisième volet du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), le 4 avril dernier, l’une des autrices appelait les candidats à l’élection présidentielle à prendre en compte les conclusions du document. Consacré à l’étude des solutions à apporter à la crise climatique, celui-ci constitue en effet une base de travail solide pour les politiques qui souhaitent œuvrer efficacement pour la baisse des émissions de gaz à effet de serre.
>> Ce qu’il faut retenir du troisième volet du rapport du Giec
Base de travail que les deux candidats qualifiés pour le second tour assurent avoir épluchée.“J’ai lu le résumé du Giec”, a dit Marine Le Pen, interrogée par une auditrice de France Inter après la parution. “Nous avons entendu le message des plus grands scientifiques du monde entier il y a deux semaines”, a déclaré Emmanuel Macron lors d’un meeting, samedi, à Marseille. Mais que vont faire les deux prétendants à l’Elysée des conclusions qui y sont exposées ?
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— 🇹🇷🇩🇿 (@Yoshi69095954) April 12, 2022
“Intensifier le rythme”
Assurant être interpellée par la sortie de ce rapport, mais aussi par “le vote assez haut au premier tour en faveur de Jean-Luc Mélenchon, qui intègre pour partie les inquiétudes sur les questions climatiques”, l’équipe d’Emmanuel Macron dit vouloir “aller plus vite et plus loin sur ces sujets”. Le président-candidat a d’ailleurs répété, le 13 avril sur France 2, vouloir “enrichir [son projet], l’intensifier, mettre plus d’investissements sur l’ensemble de ces sujets”.
Les politiques menées jusqu’à présent “ne sont pas assez alignées avec les orientations de la Stratégie nationale bas carbone”, feuille de route française pour limiter le réchauffement à 2 voire 1,5 °C, déplore Yamina Saheb, coautrice du dernier volet du Giec. “En raison du retard accumulé par la France, le rythme actuel de réduction annuelle devra pratiquement doubler, pour atteindre au moins 3% dès 2021 (-13 mégatonnes équivalent CO2) et 3,3% en moyenne sur la période 2024-2028″, complète-t-elle. Il y a donc urgence à agir, comme l’a d’ailleurs souligné le dernier rapport du Giec. Jean-Charles Colas-Roy, relais transition écologique pour l’équipe d’Emmanuel Macron, assure avoir entendu le message.
“Il faut accélérer pour respecter les engagements pris lors de l’accord de Paris. Nous avons multiplié par deux durant le quinquennat le rythme de diminution des émissions. On sait qu’il nous faut encore multiplier par deux dans le prochain mandat.”
Jean-Charles Colas-Roy, membre de l’équipe d’Emmanuel Macron
à franceinfo
Nucléaire et renouvelables dans le camp Macron
Pour l’équipe d’Emmanuel Macron, cela passe notamment par “la transition d’une économie linéaire – extraire, produire, consommer, jeter – à circulaire – extraire moins, produire mieux, consommer différemment, recycler efficacement“. Le candidat s’est fixé pour objectif de développer le nucléaire et le renouvelable pour parvenir à décarboner la production d’énergie. Gare à la “dépendance à des technologies nécessitant des investissements initiaux élevés (par exemple le nucléaire)”, peut-on pourtant lire dans le résumé du rapport du Giec (en anglais), qui met en lumière les risques liés au recours à des infrastructures trop gourmandes en ressources.
Sur les autres messages délivrés par le Giec, l’équipe d’Emmanuel Macron dit reconnaître l’importance de la “sobriété”, qu’elle décrit comme “l’optimisation des consommations”. Une description qui fait fausse route, juge Yamina Saheb. Cette vision, “c’est de l’efficacité, et non de la sobriété”, analyse-t-elle, citant la définition donnée par le Giec : “l’ensemble des mesures et des pratiques quotidiennes qui évitent la demande d’énergie, de matériaux, de terre et d’eau”.
L’équipe entend répondre au besoin accru de financements pour la transition écologique par la mobilisation d’un “investissement nouveau de 10 milliards d’euros par an”. Jean-Charles Colas-Roy estime que le programme peut aussi évoluer sur la sensibilisation du public à ces problématiques. “L’affichage environnemental est important, nous voulons aussi développer un indice de réparabilité des produits et former massivement nos concitoyens en vue de reconversions professionnelles dans ces secteurs nouveaux.”
“De prétendus grands enjeux globaux”
De son côté, Marine Le Pen a pris clairement ses distances avec le Giec, le 13 avril, lors d’une conférence de presse consacrée à la politique étrangère. “Un travers asphyxiant pour l’outil diplomatique français est de se concentrer sur de prétendus grands enjeux globaux définis par telle ou telle agence de l’ONU, par exemple, par le Giec, a-t-elle déclaré. La diplomatie française doit être orientée non en direction de prétendus grands enjeux globaux (…) environnementaux, mais vers la protection et la promotion des intérêts de la France, quels qu’ils soient dans le monde.”
De quoi faire réagir Yamina Saheb : “La crise climatique n’est pas un ‘prétendu grand enjeu global’. Elle est malheureusement bien réelle et ne pourra être résolue que dans le cadre d’une collaboration internationale, rétorque la scientifique membre de l’institution. L’impact des émissions de gaz à effet de serre ne s’arrêtera pas à nos frontières administratives, ni à celles de nos voisins proches.”
L’équipe de Marine Le Pen déplore ainsi que “le rapport du Giec n’émette aucune critique du système économique international, de la mondialisation”, qui pourrait se régler par “la relocalisation de la production”, estime Jean-Philippe Tanguy, référent industrie-énergie dans l’équipe de réalisation du programme de la candidate RN. Toutefois, le texte mentionne bien le sujet des échanges internationaux : “Les règles commerciales ont le potentiel de stimuler l’adoption internationale de technologies et de politiques d’atténuation des émissions”, peut-on lire.
Hydrogène vert et débats publics chez Le Pen
En dehors de ces réserves, ce membre du Rassemblement national assure que les solutions présentées dans le dernier rapport du Giec “confirment” le programme du parti. “Le Giec nous dit que les solutions doivent être adaptées à la situation du pays. Il faut prioriser sur ce qui est le plus efficace ici ! interprète-t-il. Arrêter de mettre de l’argent dans des éoliennes en mer, mais dans la transition des chauffages thermiques, la réindustrialisation…” Pour “faire sa part”, Marine Le Pen entend miser sur le nucléaire et “l’hydrogène vert”.
Des solutions que ne favorise pas le Giec (voir infographie ci-dessous). Le dernier rapport souligne plutôt le fort potentiel de l’éolien et du solaire sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a même établi des cartes où la France apparaît comme un terrain bel et bien capable de fournir ces énergies. Le document ajoute que l’hydrogène bas carbone, affiché comme une “grande cause du quinquennat” de Marine Le Pen, selon Jean-Philippe Tanguy, “nécessite des améliorations dans son processus de production et des réductions de coût”.
Une infographie issue du troisième volet du 6e rapport du Giec présente le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre de plusieurs solutions étudiées dans le secteur de la production d’énergie. Les couleurs font référence au coût de chaque option. (GIEC)
Quand le Giec prône plus de pédagogie auprès des citoyens, le Rassemblement national compte, lui, acquérir l’acceptation de la population au travers de “débats publics”. “On n’a pas besoin que le gouvernement explique. Les citoyens ne sont pas des enfants. On croit en la démocratie directe, via le référendum d’initiative citoyenne. La vérité sort d’un débat, et les gens sont demandeurs de sauver le climat”, conteste Jean-Philippe Tanguy sur la méthode.
Sur la nécessité de rehausser les investissements en faveur de la transition écologique, il avance la solution du fonds souverain proposé par Marine Le Pen, qui devra irriguer, entre autres, la transition écologique, selon son programme (document PDF). Quant à la sobriété, le camp lepéniste affirme que le sujet n’est pas prioritaire.
“La justice sociale passera toujours avant la question écologique.”
Jean-Philippe Tanguy, directeur de campagne adjoint de Marine Le Pen
à franceinfo
Le rapport du Giec n’oppose toutefois pas les deux enjeux. Il les associe. Il mentionne d’ailleurs expressément que les politiques de réduction des émissions liées à la consommation doivent “assurer le bien-être humain pour tous“.
D’aprés France Info
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